bleumarie

mardi 28 juillet 2009

L'été, la plage ... Découvrir, se découvrir ... S'aimer, se haïr. Plage en été, lieu de tous les dangers !

Soir de Septembre de Maurice Denis ~ 1911
Enfant au bonnet rouge de Maurice Denis ~ 1909


Plage du Pouldu de Maurice Denis


Ah ! La plage ! Fantasme - pour la plupart - de toute une année pour quinze jours de vacances en été !
Savez-vous que les fantasmes ne doivent pas être réalisés car sinon, l'imagination doit aller plus loin et plus fort pour trouver un autre fantasme ?
Bon, vous voilà averti(e)s !
Et pourtant, du côté de Perpignan, la foule est dense sur chaque mètre carré de sable... La plage est bien le seul endroit où se côtoient quasiment nus un grand nombre de personnes qui n'ont rien en commun, hormis le lieu de leurs vacances !
Je ne parle pas des gens du cru (dont je fais partie) qui regardent d'un oeil goguenard cette foultitude de personnes si différentes les unes des autres et qui forcément, à un moment ou à un autre, se trouveront incommodés par leur voisin de plage (plus rarement par leur voisine, surtout si elle est blonde à gros seins).

The Bathers de Paul Fischer

A Morning Dip de Paul Fischer

Sunbathing In The Dunes de Paul Fischer

Bref, la plage peut vite tourner à la lutte de territoire, telle que l'on probablement connue nos ancêtres de la préhistoire.
Quand on a des enfants en bas âge, on ne comprend pas comment on peut s'agacer d'entendre les charmants cris de joie des petits et de leurs parents affolés, à la vue de la grosse méduse qui flotte tranquillement dans le seau en plastique, objet obligatoire pour tout enfant normalement constitué. Les enfants sont contents de leur prise, mais les parents font un tapage de tous les diables demandant instamment à leur progéniture d'aller rejeter à la mer la chose gluante!
Donc, la sieste que vous aviez entamée cinq minutes auparavant se trouve fort injustement interrompue ! Et vous n'osez pas retourner à l'eau de peur que la grosse masse gélatineuse se trouve encore dans les parages...



Illustrations de Myriam Feuilloley


Nude on the Beach de Lord Frederick Leighton

La plage est aussi l'endroit où, peut-être pour la seule fois de l'année, on expose aux regards son intimité. De peur de rencontrer votre concierge - ou pire encore, votre inspecteur des impôts - vêtus d'un seul caleçon de bain, voir même d'un slip de bain, ce qui vous traumatiserait encore davantage, vous partez donc très loin de chez vous, de préférence près de chez moi (mais si j'aime les touristes, quelle drôle d'idée !) et vous vous trouvez, heureusement sans le savoir, auprès d'autres concierges, d'autres inspecteurs des impôts et des représentants d'un peu toutes les professions!

La plage expose les corps, mais aussi les comportements. Les mères de famille hystériques, comme je l'ai écrit un peu plus haut, mais aussi tous les intolérants, les voyeurs, les exhibitionnistes, les boulangers, les secrétaires, les plombiers, bref tout le monde !!!!
Mais vous vous en fichez, vu que vous ne les connaissez pas. Enfin, presque, car le monde est petit et le Sud de la France encore davantage !
Si vous êtes venu(e)s à la plage seul(e), parce que vos enfants sont grands et vont de leur côté, ou que vous vous accordez une parenthèse de vacances en solitaire et - si possible - en toute sérénité, vous risquez fort de très rapidement vous lasser des cris exaspérants des enfants qui viennent de trouver une vieille capote (croyant que c'était une méduse) et qui la ramène fièrement, dans leur seau en plastique, à leurs parents qui deviennent hystériques ! Ces derniers étant horrifiés pratiquement autant qu'avec la masse gélatineuse de tout à l'heure, et peinant même à faire la différence entre les deux. Quoiqu'il en soit, leur instinct de parents se réveille et se rend compte qu'il n'est pas plus sain de jouer avec l'une qu'avec l'autre !

Vous allez donc pousser des soupirs contrariés, agacés, vous retourner plusieurs fois sur votre serviette, en espérant que les parents concernés, ainsi que leur charmante progéniture, réalisent à quel point ils vous dérangent !
Hors, tout vacancier contrarié sur la plage peut rapidement se laisser déborder par son animalité qui prend le dessus parmi cette horde de touristes à demi-nus, et sauter à la gorge d'un importun. S'ils possèdent un parasol, réfléchissez à deux fois avant de soupirer car chaque année, on déplore des accidents avec des parasols ayant traversés de part en part un voisin de serviette ! On dit que c'est la tramontane, mais je sais que ce n'est pas vrai ! Pour preuve, j'ai moi même été prise de folie passagère en embrochant joyeusement un ch'ti se plaignant que Perpignan n'était pas le "vrai Sud" et que c'était un pays de merde où il y avait tout le temps du vent.
Je ne peux répéter ici ce que je lui ai dit avant de l'embrocher, car cela serait immédiatement censuré...


Oui, la plage est bien l'endroit où les plus bas instincts de l'homme peuvent se révéler au grand jour ! Je me souviens être allée à la plage, il y a quatre ou cinq ans. Je me baignais gentiment, il n'y avait pas grand monde. La plus grande partie de nos chers touristes avaient rejoint le grand nord, c'est-à-dire un peu plus haut que Narbonne (vue de Perpignan). Je surveillais d'un oeil attentif mon fils quand un monsieur, au demeurant fort sympathique, s'approche de moi. J'étais debout avec l'eau jusqu'aux épaules. Il commence à discuter en parlant des enfants. Forcément j'étais intéressée puisque concernée, et lui n'avait pas eu à se fouler pour trouver un sujet de conversation, puisque mon fils nageait à quelques mètres. On commence donc à discuter et au bout d'un moment, je trouvais que ce Monsieur était un peu "collant". J'essayais donc d'attirer l'attention de mon fils pour qu'il ne me laisse surtout pas seule et qu'il intervienne d'une façon ou d'une autre pour me tirer de ce mauvais pas !
Hélas, mon grand a compris tout le contraire ! Il a cru que j'étais en galante compagnie (tu parles !) et que je voulais qu'il s'éloigne un peu (après tout j'étais une jeune divorcée pleine de charme et d'enthousiasme pour faire de nouvelles rencontres). J'ai donc vu avec horreur s'éloigner mon seul et unique moyen de larguer le boulet... A peine cinq minutes s'étaient écoulées que l'individu me mettait la main aux fesses de la même façon que cela m'était arrivé dans le métro parisien un jour de grève ! J'étais tellement surprise que je n'ai pas eu l'idée de lui mettre une baffe. Je l'ai copieusement assaisonné de noms d'oiseaux et il s'est tranquillement dirigé vers la plage, sans se laisser désarçonner.

Illustration de Myriam Feuilloley

Ah oui, il s'en passe de belles l'été sur nos plages ! Nous sommes dénudés, et certain(e)s développent une lubricité qui dépasse l'entendement.
Drôle de microcosme, un lieu très spécial où des gens que tout oppose se retrouvent collés serrés. Et pourtant, comme les animaux, nous avons besoin de nous créer un espace vital quand nous arrivons sur la plage. C'est toujours très amusant de regarder un petit groupe familial (ou non) s'installer et prendre "possession" des lieux. On étend des serviettes, on plante un parasol comme Amstrong a planté le drapeau sur la lune. On établit un périmètre de sécurité avec quelques serviettes ou objets. Glacière par ici, panier par là, un fauteuil ici et un autre là-bas. Et cela devient pour quelques heures l'espace privé d'une poignée de personnes...
Enfin je dis "on" mais je fais la même chose ! Je viens seule maintenant que mes enfants sont grands, mais j'avoue - à ma grande honte - installer mon "campement" comme si nous étions dix ! Une serviette de plage très très grande d'un côté, un fauteuil de plage de l'autre côté ... une tong à droite, une tong à gauche et une demi-douzaine d'accessoires de plage divers et variés.

Quel drame quand un garnement traverse l'espace vital (le mien par exemple !) d'un groupe sur SON territoire ! Surtout quand il éclabousse au passage, envoie du sable et mets le pied sur une serviette... On se sent vraiment mal, viscéralement atteint !

Oui, c'est une certitude, l'homme est un animal. Il aime marquer son territoire, quitte à ce que ça se termine (sur la plage) en guerre des tranchées ! Souvent les insultes fusent ... Je me souviens du propriétaire d'un gentil toutou qui avait pissé (le toutou, pas le maître) sur le sac à dos de mon fils et qui est resté complètement ahuri devant la crudité de mon langage ! Attendez... non seulement on s'attaquait à MON territoire, mais pire encore à MON fils (oui, bon, à son sac si vous préférez, mais quand même !!!).

Les enfants sont souvent les sujets volontaires ou - plus rarement - involontaires des disputes des adultes sur les plages. Car ce grand espace de liberté semble tellement fait pour amuser les enfants qu'on en oublierait presque le plaisir des adultes de se trouver dans ce lieu de sérénité et de paix (quand il n'y a pas les enfants)... Même lieu mais deux façons de voir les choses. D'où dérapages sans fin entre adultes qui défendent leur progéniture envers et contre tout.

Mais bon, si chacun trouve son petit bout de Paradis, la plage peut se révéler un lieu vraiment formidable.


Et si vraiment vous n'en pouvez plus d'entendre hurler la radio de votre voisin de serviette, ou de recevoir du sable à chaque fois que le gamin de la famille d'à côté passe en courant, faites comme moi, courez dans l'eau ! Il y a de la place pour tous et même davantage ! Allongez-vous sur le dos pour faire la planche, les oreilles dans l'eau et c'est miraculeux ! Vous avez le ciel immense et bleu en face de vous, vous n'entendez plus qu'un bourdonnement cotonneux, et le soleil caresse votre corps ! Et ça, c'est inestimable !
Bonnes vacances !

Texte de Marie B.

Deux Femmes courant sur la plage de Pablo Picasso

On the Beach de Vaggelis Fragiadakis

From the Deck de Laura McMillan

Les Premiers pas dit aussi Famille au bord de la mer Maurice Denis ~ 1911

























Illustrations de Myriam Feuilloley

Enfants sur le sable de Stacey

Children Playing On The Beach de Mary Cassat

A day at the beach de Jeffrey T. Larson

Girl on the Beach d'Edvard Munch


dimanche 26 juillet 2009

Où je m'aperçois des subtilités de la langue française et où j'apprends dix définitions pour un même terme ...

Quelle journée ! Après avoir entendu à la radio que Sarko était à l'hôpital et qu'il allait y rester, j'ouvrais déjà la bouteille de champagne !
Je ne sais pas comment vous comprenez la seconde partie de la phrase, mais moi, sincèrement, j'ai cru entendre ce que j'avais probablement envie d'entendre ... D'accord il ne faut souhaiter la mort à personne mais bon, je m'étais faite à l'idée d'avoir perdu not' bon maît' !
Ensuite, la journaliste à dû se faire taper sur les doigts car ils ont changé la formulation... Ils ont dit que le président avait été hospitalisé et qu'il resterait à l'hôpital problement jusqu'à demain. Et oui, parfois la langue française a des sacrées subtilités !

Seconde leçon de français de la journée : la signification du mot "malaise vagual ou vagal (?)"... C'est sûr qu'à la radio, ils ne disent rien de l'orthographe, mais en une heure de temps, je crois que France Info a interrogé au moins une demi-douzaine de toubibs pour connaître la signification médicale et très précise de ce terme ! J'ai même appris que not' bon maît' faisait son footing à 11km/h et qu'il était très musclé (au niveau des mollets, sûrement à force de se mettre sur la pointe des pieds !).
Texte de Marie B.

Quoi d'neuf Docteur ?

mercredi 22 juillet 2009

Solitude de Guy de Maupassant


SOLITUDE

C'était après un dîner d'hommes. On avait été fort gai. Un d'eux, un vieil ami, me dit :
- Veux-tu remonter à pied l'avenue des Champs-Élysées ?
Et nous voilà partis, suivant à pas lents la longue promenade, sous les arbres à peine vêtus de feuilles encore. Aucun bruit, que cette rumeur confuse et continue que fait Paris. Un vent frais nous passait sur le visage, et la légion des étoiles semait sur le ciel noir une poudre d'or.
Mon compagnon me dit :
- Je ne sais pourquoi, je respire mieux ici, la nuit, que partout ailleurs. Il me semble que ma pensée s'y élargit. J'ai, par moments, ces espèces de lueurs dans l'esprit qui font croire, pendant une seconde, qu'on va découvrir le divin secret des choses. Puis la fenêtre se referme. C'est fini.
De temps en temps, nous voyions glisser deux ombres le long des massifs ; nous passions devant un banc où deux êtres, assis côte à côte, ne faisaient qu'une tache noire.
Mon voisin murmura :
- Pauvres gens ! Ce n'est pas du dégoût qu'ils m'inspirent, mais une immense pitié. Parmi tous les mystères de la vie humaine, il en est un que j'ai pénétré : notre grand tourment dans l'existence vient de ce que nous sommes éternellement seuls, et tous nos efforts, tous nos actes ne tendent qu'à fuir cette solitude. Ceux-là, ces amoureux des bancs en plein air, cherchent, comme nous, comme toutes les créatures, à faire cesser leur isolement, rien que pendant une minute au moins ; mais ils demeurent, ils demeureront toujours seuls ; et nous aussi.
On s'en aperçoit plus ou moins, voilà tout.
Depuis quelque temps j'endure cet abominable supplice d'avoir compris, d'avoir découvert l'affreuse solitude où je vis, et je sais que rien ne peut la faire cesser, rien, entends-tu ! Quoi que nous tentions, quoi que nous fassions, quels que soient l'élan de nos coeurs, l'appel de nos lèvres et l'étreinte de nos bras, nous sommes toujours seuls.
Je t'ai entraîné ce soir, à cette promenade, pour ne pas rentrer chez moi, parce que je souffre horriblement, maintenant, de la solitude de mon logement. A quoi cela me servira-t-il ? Je te parle, tu m'écoutes, et nous sommes seuls tous deux, côte à côte, mais seuls. Me comprends-tu ?
Bienheureux les simples d'esprit, dit l'Écriture. Ils ont l'illusion du bonheur. Ils ne sentent pas, ceux-là, notre misère solitaire, ils n'errent pas, comme moi, dans la vie, sans autre contact que celui des coudes, sans autre joie que l'égoïste satisfaction de comprendre, de voir, de deviner et de souffrir sans fin de la connaissance de notre éternel isolement.
Tu me trouves un peu fou, n'est-ce pas ?
Écoute-moi. Depuis que j'ai senti la solitude de mon être, il me semble que je m'enfonce, chaque jour davantage, dans un souterrain sombre, dont je ne trouve pas les bords, dont je ne connais pas la fin, et qui n'a point de bout, peut-être ! J'y vais sans personne avec moi, sans personne autour de moi, sans personne de vivant faisant cette même route ténébreuse. Ce souterrain, c'est la vie. Parfois j'entends des bruits, des voix, des cris... je m'avance à tâtons vers ces rumeurs confuses. Mais je ne sais jamais au juste d'où elles partent ; je ne rencontre jamais personne, je ne trouve jamais une autre main dans ce noir qui m'entoure. Me comprends-tu ?
Quelques hommes ont parfois deviné cette souffrance atroce.
Musset s'est écrié :

Qui vient ? Qui m'appelle ? Personne.
Je suis seul. - C'est l'heure qui sonne.
O solitude ! - O pauvreté !


Mais, chez lui, ce n'était là qu'un doute passager, et non pas une certitude définitive, comme chez moi. Il était poète ; il peuplait la vie de fantômes, de rêves. Il n'était jamais vraiment seul. - Moi, je suis seul !

Gustave Flaubert, un des grands malheureux de ce monde, parce qu'il était un des grands lucides, n'écrivait-il pas à une amie cette phrase désespérante : "Nous sommes tous dans un désert. Personne ne comprend personne."
Non, personne ne comprend personne, quoi qu'on pense, quoi qu'on dise, quoi qu'on tente. La terre sait-elle ce qui se passe dans ces étoiles que voilà, jetées comme une graine de feu à travers l'espace, si loin que nous apercevons seulement la clarté de quelques-unes, alors que l'innombrable armée des autres est perdue dans l'infini, si proches qu'elles forment peut-être un tout, comme les molécules d'un corps ?
Eh bien, l'homme ne sait pas davantage ce qui se passe dans un autre homme. Nous sommes plus loin l'un de l'autre que ces astres, plus isolés surtout, parce que la pensée est insondable.
Sais-tu quelque chose de plus affreux que ce constant frôlement des êtres que nous ne pouvons pénétrer ! Nous nous aimons les uns les autres comme si nous étions enchaînés, tout près, les bras tendus, sans parvenir à nous joindre. Un torturant besoin d'union nous travaille, mais tous nos efforts restent stériles, nos abandons inutiles, nos confidences infructueuses, nos étreintes impuissantes, nos caresses vaines. Quand nous voulons nous mêler, nos élans de l'un vers l'autre ne font que nous heurter l'un à l'autre.
Je ne me sens jamais plus seul que lorsque je livre mon coeur à quelque ami, parce que je comprends mieux alors l'infranchissable obstacle. Il est là, cet homme ; je vois ses yeux clairs sur moi ; mais son âme, derrière eux, je ne la connais point. Il m'écoute. Que pense-t-il ? Oui, que pense-t-il ? Tu ne comprends pas ce tourment ? Il me hait peut-être ? ou me méprise ? ou se moque de moi ? Il réfléchit à ce que je dis, il me juge, il me raille, il me condamne, m'estime médiocre ou sot. Comment savoir ce qu'il pense ? Comment savoir s'il m'aime comme je l'aime ? et ce qui s'agite dans cette petite tête ronde ? Quel mystère que la pensée inconnue d'un être, la pensée cachée et libre, que nous ne pouvons ni connaître, ni conduire, ni dominer, ni vaincre !
Et moi, j'ai beau vouloir me donner tout entier, ouvrir toutes les portes de mon âme, je ne parviens point à me livrer. Je garde au fond, tout au fond, ce lieu secret du Moi où personne ne pénètre. Personne ne peut le découvrir, y entrer, parce que personne ne me ressemble, parce que personne ne comprend personne.

Me comprends-tu, au moins, en ce moment, toi ? Non, tu me juges fou ! tu m'examines, tu te gardes de moi ! Tu te demandes : "Qu'est-ce qu'il a, ce soir ?" Mais si tu parviens à saisir un jour, à bien deviner mon horrible et subtile souffrance, viens-t'en me dire seulement : Je t'ai compris ! et tu me rendras heureux, une seconde, peut-être.
Ce sont les femmes qui me font encore le mieux apercevoir ma solitude.
Misère ! Misère ! Comme j'ai souffert par elles, parce qu'elles m'ont donné souvent, plus que les hommes, l'illusion de n'être pas seul !
Quand on entre dans l'Amour, il semble qu'on s'élargit. Une félicité surhumaine vous envahit. Sais-tu pourquoi ? Sais-tu d'où vient cette sensation d'immense bonheur ? C'est uniquement parce qu'on s'imagine n'être plus seul. L'isolement, l'abandon de l'être humain paraît cesser. Quelle erreur !
Plus tourmentée encore que nous par cet éternel besoin d'amour qui ronge notre coeur solitaire, la femme est le grand mensonge du Rêve.
Tu connais ces heures délicieuses passées face à face avec cet être à longs cheveux, aux traits charmeurs et dont le regard nous affole. Quel délire égare notre esprit ! Quelle illusion nous emporte !
Elle et moi, nous n'allons plus faire qu'un, tout à l'heure, semble-t-il ? Mais ce tout à l'heure n'arrive jamais, et, après des semaines d'attente, d'espérance et de joie trompeuse, je me retrouve tout à coup, un jour, plus seul que je ne l'avais encore été.
Après chaque baiser, après chaque étreinte, l'isolement s'agrandit. Et comme il est navrant, épouvantable.
Un poète, M. Sully Prudhomme, n'a-t-il pas écrit :

Les caresses ne sont que d'inquiets transports,
Infructueux essais du pauvre amour qui tente
L'impossible union des âmes par les corps...

Et puis, adieu. C'est fini. C'est à peine si on reconnaît cette femme qui a été tout pour nous pendant un moment de la vie, et dont nous n'avons jamais connu la pensée intime et banale sans doute !
Aux heures mêmes où il semblait que, dans un accord mystérieux des êtres, dans un complet emmêlement des désirs et de toutes les aspirations, on était descendu jusqu'au profond de son âme, un mot, un seul mot, parfois, nous révélait notre erreur, nous montrait, comme un éclair dans la nuit, le trou noir entre nous.
Et pourtant, ce qu'il y a encore de meilleur au monde, c'est de passer un soir auprès d'une femme qu'on aime, sans parler, heureux presque complètement par la seule sensation de sa présence. Ne demandons pas plus, car jamais deux êtres ne se mêlent.
Quant à moi, maintenant, j'ai fermé mon âme. Je ne dis plus à personne ce que je crois, ce que je pense et ce que j'aime. Me sachant condamné à l'horrible solitude, je regarde les choses, sans jamais émettre mon avis. Que m'importent les opinions, les querelles, les plaisirs, les croyances !
Ne pouvant rien partager avec personne, je me suis désintéressé de tout. Ma pensée, invisible, demeure inexplorée. J'ai des phrases banales pour répondre aux interrogations de chaque jour, et un sourire qui dit : "Oui", quand je ne veux même pas prendre la peine de parler.
Me comprends-tu ?

Nous avions remonté la longue avenue jusqu'à l'Arc de triomphe de l'Étoile, puis nous étions redescendus jusqu'à la place de la Concorde, car il avait énoncé tout cela lentement, en ajoutant encore beaucoup d'autres choses dont je ne me souviens plus.
Il s'arrêta et, brusquement, tendant le bras vers le haut obélisque de granit, debout sur le pavé de Paris et qui perdait, au milieu des étoiles, son long profil égyptien, monument exilé, portant au flanc l'histoire de son pays écrite en signes étranges, mon ami s'écria :
- Tiens, nous sommes tous comme cette pierre.
Puis il me quitta sans ajouter un mot.
Était-il gris ? Était-il fou ? Était-il sage ? Je ne le sais encore. Parfois il me semble qu'il avait raison ; parfois il me semble qu'il avait perdu l'esprit.

GUY DE MAUPASSANT ~ 31 mars 1884



Toutes les photographies illustrant cet article sont d'un grand photographe, Ahmad Kavousian, dont j'apprécie le don pour "saisir" les ambiances, jouer sur toute la palette du blanc au noir, et donner corps à un univers mi réel mi-onirique, de la même façon que le fait ici Maupassant avec les mots. J'ai donc associé les deux tout naturellement.

Pour retrouver Ahmad Kavousian, c'est ICI ...


dimanche 19 juillet 2009

Entre Enfance et Vieillesse ... Des vies de filles, des vies de femmes, des vies défilent ...

Blue rhyme 1 de Ailian Price

Blue rhyme 2 de Ailian Price

Blue rhyme 3 de Ailian Price


Mais que s'est-il donc passé entre l'enfance sage d'une fillette silencieuse et isolée et l'entrée "en vieillesse" d'une dame qui passe, et s'efface, comme une ombre auprès des vivants ?

A t-elle rempli sa vie de tant d'Amour qu'à la fin il ne lui reste rien ? Que sa solitude n'est qu'un long couloir où cheminent avec elle ses souvenirs ? Et qu'au bout ne se trouve qu'une autre porte qu'elle ne craint pas de franchir ?

A t-elle été toujours en retrait, toujours silencieuse et douce, attentive aux désirs des uns et au besoin des autres ? Veut-elle jusqu'au bout garder son silence, sa discrétion ? Sait-elle au moins qu'on la pleurera beaucoup car malgré sa volonté de rester dans l'ombre, humble silhouette, elle aura été la force, le ciment, de toute sa famille ?

A t-elle jamais connu l'Amour pour l'avoir trop cherché ? A t-elle été trop exigeante, cherchant à tout prix l'Idéal, celui dont elle avait si longtemps rêvé ? Et la solitude aura été sa seule compagne. Jusqu'au dernier jour elle n'aura que regrets et amertumes. Elle aurait pu, elle aurait dû ... Elle n'a pas pu ... Toutes les excuses qu'elle voudra bien se trouver ne lui rendront pas ses belles années.

Petite fille calme et douce, devenue rebelle à l'adolescence. Pourquoi n'a t-elle n'a jamais su franchir les étapes de la maturité ? Elle est pourtant devenue mère, une très jeune maman. A t-elle su vraiment trouver les gestes pour asseoir son autorité ? Elle qui n'a jamais aimé l'autorité, elle est restée ado dans sa tête. Ses enfants ont eu sa tendresse débordante mais a t-elle eu tort d'être plus amie que mère ? A t-elle construit une base suffisamment solide pour aider ses enfants à devenir adultes ? Et surtout, surtout ... a t-elle accepté de les voir grandir, de les voir partir ?

Femme mystère, Femme de l'ombre, Femme rebelle, Femme mère, Femme amante, Femme touchante, n'oublie pas que derrière chaque ride d'un visage de vieille femme, tu peux lire sa vie, si tu t'en donnes les moyens, tu pourras même tenter de remonter à la source, savoir qui elle était. Ce qu'elle a fait, ce qu'elle n'a pas fait, le bien, le mal, sans réfléchir, dans l'imminence du moment. Ne juge pas. Elle a vécu. Respect.
Texte Marie B.

Photographie de Carlos Dias
Quand viennent les années de Christel Ehretsmann

Old woman dreaming de Jef Van Den Houte

Au centreSans titre d'Edwin J.

Old Woman d'Ivatan

Sometimes Broadway, Sometimes the Catskills de Judy Sommerville

Hardship & Happiness De Solani

Femme d'Udaipur (Inde) de Stéphane Burger

Esther de Lawrence Paiken

A life d'Anna Pagnacco

Sorrow de Radu Albu

Alzheimer de Jordi Esteban

Who Knows ? d'Anna Pagnacco

Femme (Inde)

Eos Erigeneia with rosy fingers opened
the gates of heaven de Kristian Mumford

Photographie de Mikhail Grafik

Photographie de Mikhail Grafik

Juliane de Tatiana Volontir

Photographie de Martha Cabey

Photographie de Mike Skillsky

Dream on de Victor Bezrukov

Pretty little girl de Dani Brubaker

Reflection de Robert Byars

Young and Old d'Ahmet Gurses

Life is beautiful

Photographie de Dani Brubaker

Photographie de Martha Cabey

Photographie de Naseer Fedaee

Always... I want to protect
my brother de Sumon Mukherjee

A Girl In The Doorway d'Umair Ghani

Romana d'Adnan Buballo

Miranda de Félix Capote

Photographie de Maya de Dariusz Klimczak

little-miracles de Jamie Nelson

Little pumpkin de R. R.

Joyfull children de Tracy Raver


Sans titre d'André Torres

Secret

bébé de Tracy Raver

Bébé de Jordi Esteban

3 Générations de S. Mason